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défendait. Tous deux offraient un contraste physique et intellectuel si frappant que, pour les esprits arrêtés, la sympathie devait s’accorder de suite à l’un ou à l’autre.

D’un côté, un vieillard aux cheveux gris, grand, digne, entrant dans sa soixante-douzième année et défendant une forteresse qui lui était aussi chère que la vie ; — de l’autre, un homme jeune, et pourtant déjà grave, d’une stature élevée, enthousiaste, confiant, et aiguillonné par l’espoir de triompher à la fin.

À la suite d’une élection générale, l’assemblée provinciale avait été convoquée pour le 8 décembre. Les partis, au local plus qu’au fédéral, étaient à peine organisés et leurs lignes de démarcation n’étaient pas encore bien définies. Le gouvernement lui-même se composait de membres des deux partis politiques qui existaient avant la Confédération. De sorte qu’il était difficile de dire de quel côté se rangerait la majorité, sur une question importante. L’intérêt en était d’autant augmenté.

Le plan de campagne du jeune chef d’opposition était habilement tracé. Il proposa, comme amendement à l’adresse en réponse au discours du trône, une motion condamnant le gouvernement qui, à la session précédente, s’était fait voter un million et demi de piastres pour subventionner des chemins de fer, sans avoir fait spécifier par la législature à quelles entreprises cette somme devait être appliquée. M. Blake et ses collègues soutinrent avec éloquence qu’il y avait en jeu un grand principe constitutionnel. Un gouvernement, recevant carte blanche pour la distribution d’une somme aussi considérable, pourrait à un moment donné, s’en servir pour corrompre des comtés et des députés, dans le seul but de se maintenir au pouvoir. De leur côté, les ministériels répliquèrent que la motion Blake n’était qu’un ingénieux expédient pour gagner le vote des députés dont les comtés avaient été laissés de côté dans la distribution de l’argent public. De fait, un habile politicien de nos jours ne s’est pas gêné de déclarer souvent qu’il prendrait bien garde d’imiter Sanfield Macdonald, c’est-à-dire d’économiser pour le peuple et d’amasser des millions qui pourraient être un jour la cause de sa chute du pouvoir. Sans diminuer l’importance du principe invoqué dans la motion-Blake, il faut admettre qu’il y a bien du vrai dans cette manière machiavélique d’envisager la situation.