Page:Ewan - Les hommes du jour Edward Blake, 1891.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

manqué sa carrière politique. Des milliers de Canadiens, j’en suis sûr, se prononceront contre ce jugement. Si ses capacités ont jeté du lustre sur nos parlements ; si la pureté de ses intentions a rehaussé le ton de la vie publique ; si, comme homme privé, il a montré que la politique peut s’allier à une noble vie et à la pratique des vertus chrétiennes : si son renoncement à un revenu princier et son mépris des émoluments ont servi à arracher de l’esprit du peuple l’idée que les mots pillard et homme politique sont synonymes, je ne puis me résigner à croire que les meilleurs amis de M. Blake regrettent qu’il ait consacré vingt ans de sa vie au service de son pays.

On me permettra de terminer cette esquisse imparfaite en citant deux fragments des discours de M. Blake, afin de donner une idée de son grand talent oratoire. Je tire le premier de l’allocution qu’il prononça en appuyant l’adresse de condoléance à la reine Victoria, lors de la mort du duc d’Albany. Le 3 avril 1884, il s’exprimait ainsi :

« La position du prince défunt était particulièrement pénible ; car il a passé toute sa courte vie sous la menace du mal impitoyable qui devait l’emporter et qui, s’il pesait lourdement en secret sur son esprit, ne parut cependant jamais l’abattre dans les efforts qu’il fit pour se rendre utile à tous. La délicatesse de sa constitution l’avait naturellement rendu plus cher au cœur de sa mère qui doit bien plus déplorer la perte d’un fils sur qui elle avait dû veiller tout le temps avec anxiété, que si ce fils avait joui de la constitution robuste que possèdent les autres membres de la famille royale. Aussi, est-ce bien du fond du cœur que nous lui dirons avec le poète :

« Ne te brise pas, ô cœur de femme ! mais endure encore. »

« Parlant au nom du peuple canadien, nous lui dirons que nous pleurons sur cette jeune vie si tôt brisée et respectueusement nous déposons notre tribut de sympathie aux pieds de celle qui reste à déplorer une pareille perte. »

Le fragment qui suit — dans une note tout à fait différente — est la péroraison du discours que nous avons déjà mentionné et qui précéda la chute du gouvernement en 1873. Ce discours fut prononcé dans la nuit du 4 novembre de la même année :