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ser. Quelques années après, il déclinait encore un plus grand honneur, la position de juge en chef de la Cour suprême du Canada, qui est le poste judiciaire le plus élevé de la Puissance.

En 1872, le double mandat ayant été aboli, Edward Blake abandonnait le champ de bataille de la législature provinciale.

Sur la scène plus vaste de la chambre des communes, il avait déjà su, depuis son entrée en Parlement, assumer une place de plus en plus importante dans le conseil de l’opposition, et, après avoir baissé le rideau sur une administration, il était destiné à donner le coup de grâce à une autre dans une occasion plus mémorable encore. Ce fut en 1873, lors de la chute du gouvernement de Sir John Macdonald. Confiant en ses hautes qualités, les partisans de M. Blake lui avaient assigné la tâche ardue de prendre à partie le premier ministre quand celui-ci jugerait à propos de répondre aux graves accusations portées contre lui. Le débat sur la motion de non confiance proposée par M. Mackenzie, se continuait depuis plusieurs jours ; mais le vieux chef ne remuait pas et le député de South Bruce le laissait venir et l’attendait, de pied ferme. Des deux côtés de la Chambre, les batteries de l’artillerie parlementaire avaient déjà fait tonner leurs plus grosses pièces, et l’on n’entendait plus qu’un maigre feu de mousqueterie. Pourtant, l’on savait que deux des plus forts canons étaient pointés, chargés jusqu’à la gueule et que leur décharge meurtrière allait, de l’un ou de l’autre côté, décider du sort de la bataille. À mesure que les heures et les jours s’écoulaient et que le suprême coup de feu devenait plus imminent, la capitale se remplissait de gens, accourus de plusieurs centaines de milles pour être témoins du terrible duel. Enfin le premier ministre entama sa défense, le 5 de novembre, et parla cinq heures durant. Le discours était digne de la circonstance et il est resté comme un modèle d’éloquence que l’on ne saurait lire sans être profondément ému. Quand le chef du gouvernement se fut assis, M. Blake se leva au milieu d’une chambre bondée de spectateurs surexcités, mais silencieux. C’était certainement l’heure la plus solennelle de sa vie. Il avait en main un terrible réquisitoire et qui, certes, ne perdit rien de sa sinistre gravité en passant par la bouche éloquente de l’accusateur. Sans pitié dans sa logique énumération des faits, il sut pourtant garder une dignité d’expression qui ajoutait dix fois plus de