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ceux qui m’entourent, et je fais toujours en sorte de tâcher de mériter leur confiance et leur respect. » Le ton, plus que les paroles de l’orateur, la gravité et le tremblement de sa voix firent éclater l’enthousiasme autour de lui. Les applaudissements, les cris, les marques d’approbation de toutes sortes s’entrecroisèrent pendant plusieurs minutes. Les galeries se mêlèrent à cette démonstration. C’était une de ces scènes qui restent à jamais gravées dans la mémoire, surtout dans la mémoire de ceux qui en sont à leur début dans la politique.

Quelques jours plus tard, Edward Blake était premier ministre de sa province natale. Sa carrière politique ne datait pas de loin, mais déjà elle était remarquable.

M. Blake est né dans le canton d’Adélaïde, comté de Middlesex, Ontario, le 13 octobre 1833. Son père, gentilhomme irlandais, qui avait bien peu d’expérience des misères de la vie d’un défricheur à cette époque déjà lointaine, s’était établi en plein bois, bien décidé de se tailler un domaine dans la solitude. Mais il dut bientôt se rendre compte qu’il n’était pas apte à cette besogne ardue ; et l’histoire de sa vie nous montre que, s’il crut alors que ses talents l’appelaient à occuper une position plus élevée, ce n’est pas qu’il se laissât leurrer par une ambition déplacée, puisque le pionnier mécontent devait devenir par la suite chancelier d’Ontario. Il fixa sa résidence à Toronto où son fils Edward reçut l’instruction. Au commencement de ses études, l’enfant parut plutôt se distinguer par son amour effréné de la lecture que par son application aux matières de classe. En 1847, il accompagnait son père en Europe, voyage qui dut contribuer beaucoup à développer cette jeune intelligence en éveil. On était à cette époque tourmentée de « 47-48, » alors que la civilisation du vieux monde se lançait dans les hasards des idées démocratiques, qui commençaient à montrer la portée infinie de leur puissance future. Il est facile de s’imaginer que bien des grains de semence de théorie politique, qui devaient germer et se développer plus tard, s’implantèrent dès lors dans l’esprit du jeune Edward. À son retour au Canada, il parut avoir compris qu’il se trouvait dans un monde actif où il ne seyait pas de rester oisif. Il reprit ses études avec une énergie nouvelle et contracta dès lors cette habitude de travail acharné qu’il entretint