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la famille des rongeurs. Ce serait un curieux travail et bien digne de fixer l’attention de nos grands faiseurs de statistiques, que de rechercher combien il doit se consommer par jour, par lune ou par année, de graines de melons d’eau dans un pays qui compte plus de trois cents millions d’habitants.

En partant de Tien-men, où nous passâmes une bonne et agréable journée, on nous donna, pour nous accompagner jusqu’à l’étape suivante, un jeune mandarin militaire dont les allures et le babil nous égayèrent beaucoup. Il excitait déjà l’intérêt et piquait la curiosité par sa petite figure blanchâtre, vive, mobile, enjouée et un peu sarcastique. Quoique militaire, il avait beaucoup plus d’esprit que le commun des lettrés ; il en paraissait, au reste, convaincu tout le premier. Comme il maniait la parole non-seulement avec facilité, mais encore avec élégance, il en usait sans façon et imperturbablement ; il dissertait avec aplomb et autorité sur tout ce qui lui passait par la tête, entremêlant toujours ses longues tirades de traits d’esprit et de plaisanteries qui ne manquaient pas de sel. Surtout il se prévalait beaucoup d’être resté longtemps à Canton, d’avoir quelque peu guerroyé contre les Anglais, d’avoir étudié les mœurs et les habitudes des peuples étrangers, et de s’être ainsi rendu habile et expérimenté pour apprécier et juger définitivement tout ce qui se passe sous le ciel.

À la première halte que nous fîmes pour prendre notre repas de minuit, il se mit à harceler nos mandarins conducteurs d’une manière impitoyable. Il leur parlait de la province du Sse-tchouen, comme d’un pays étranger, d’une contrée barbare. Il leur demandait si la civilisation