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enveloppé de quelques couvertures. Sa figure était livide, décharnée, et ses regards mourants ne quittaient pas le cercueil qui le précédait. Lorsque tout le monde fut passé, nous nous empressâmes de demander au séminariste ce que signifiait cet étrange cortège. C’est un malade, nous dit-il, qui se trouvait dans un village voisin et qu’on transporte dans sa famille tout près d’ici. Les Chinois n’aiment pas à mourir hors de chez eux. — Ce sentiment est bien naturel ; mais pourquoi ce cercueil ? Il est pour le malade qui probablement n’a que quelques jours à vivre. On a déjà tout préparé pour les funérailles. J’ai remarqué qu’il y avait à côté du cercueil une pièce de toile blanche ; on s’en servira pour porter le deuil. Ces paroles nous jetèrent dans un profond étonnement, et nous comprîmes que nous étions dans un monde nouveau, au milieu d’un peuple dont les idées et les sentiments différaient beaucoup des sentiments et des idées des Européens. Ces hommes qui commençaient tranquillement les funérailles d’un parent ou d’un ami encore vivant ; ce cercueil qu’on avait eu l’attention de placer sous les yeux du moribond, sans doute afin de lui être plus agréable, tout cela nous plongea dans des rêveries étranges, et la promenade se continua en silence.

Ce calme étonnant des Chinois aux approches de la mort n’a pas coutume de se démentir, quand arrive le moment suprême. Ils meurent avec une tranquillité, une quiétude incomparables, sans agonie, sans éprouver ces agitations, ces secousses terribles qui d’ordinaire rendent la mort si effrayante. Ils s’éteignent tout doucement, comme une lampe qui n’a plus d’huile pour s’alimenter.