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de la vie. Tout cela se pratique sans émotion et avec un calme inaltérable. Nous avons été témoin plus d’une fois de semblables scènes, et c’est une des choses qui nous ont toujours étonné le plus dans les mœurs si extraordinaires des Chinois ; ce fut, du reste, une de nos premières impressions dans ce singulier pays.

Peu de temps après notre arrivée dans notre mission du Nord, nous nous promenions un jour dans la campagne avec un séminariste chinois qui avait la patience de répondre à nos longues et ennuyeuses questions sur les hommes et les choses du Céleste Empire. Pendant que nous étions à dialoguer de notre mieux, entremêlant tour à tour dans notre langage le latin et le chinois, suivant que les mots nous faisaient défaut d’un côté ou d’un autre, nous vîmes venir vers nous une foule assez nombreuse, cheminant avec ordre le long d’un étroit sentier ; on eût dit une procession. Notre premier mouvement fut de changer de direction, pour aller nous mettre à l’abri derrière une montagne ; n’étant pas encore très-expérimenté dans les us et coutumes des Chinois, nous évitions de nous produire, de peur d’être reconnu, puis immédiatement jeté en prison, jugé et étranglé. Notre séminariste nous rassura, et nous dit que nous pouvions continuer sans crainte notre promenade. La foule, qui avançait toujours vers nous, nous ayant atteints, nous nous arrêtâmes pour la laisser passer. Elle était composée d’un grand nombre de villageois, qui nous regardaient en riant, et dont la physionomie paraissait très-bienveillante. Après eux venait un brancard sur lequel on portait un cercueil vide. Derrière le cercueil suivait un autre brancard où était étendu un moribond