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un excellent moyen de témoigner la vivacité de leur piété filiale aux auteurs de leurs jours ; c’est une douce et grande consolation au cœur d’un fils que de pouvoir faire emplette d’une bière pour un vieux père ou une vieille mère, et d’aller le leur offrir solennellement, au moment où ils y pensent le moins : lorsqu’on aime bien quelqu’un, on est toujours ingénieux pour lui procurer d’agréables surprises. Si l’on n’est pas assez favorisé de la fortune pour avoir un cercueil en réserve, il est bon qu’on n’attende pas tout à fait au dernier moment, et que, avant de saluer le monde, comme on dit en Chine, on ait au moins la satisfaction de jeter un regard sur sa dernière demeure ; aussi, quand un malade est déclaré inguérissable, s’il a le bonheur d’être entouré de personnes compatissantes et dévouées, on ne manque pas de lui acheter un cercueil et de le placer à côté de son lit. Dans la campagne ce n’est pas si facile ; on n’en trouve pas toujours de tout préparés, et puis les paysans n’ont pas les habitudes du luxe comme les habitants des villes ; on y va plus simplement. On appelle le menuisier de la localité qui prend mesure au malade, en ayant bien soin de lui faire observer que l’ouvrage doit être toujours un peu avantageux, parce que, quand on est mort, on s’étire. Aussitôt qu’on est bien convenu de la longueur et de la largeur, et surtout de ce que coûtera la façon, on fait apporter du bois, et les scieurs de long se mettent à travailler dans la cour, tout à côté de la chambre du moribond ; s’il n’est pas toujours à portée de les voir à l’œuvre, il peut, du moins, entendre le grincement sourd et mélancolique de la scie qui lui découpe des planches, pendant que la mort, elle aussi, est occupée à le séparer