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un cadavre sur sa propriété. Il est sûr de le faire entrer par là dans une longue suite de misères et de calamités. A l’époque où nous étions dans notre mission de la vallée des Eaux noires, en dehors de la grande muraille, une des petites villes des environs fut le théâtre d’un crime horrible. Un vagabond entra dans le magasin d’une grande maison de commerce, et, s’adressant directement au chef de l’établissement : Intendant de la caisse, lui dit-il, j’ai besoin d’argent, et je n’en ai pas ; je viens te prier de m’en prêter un peu. Je sais que votre société est riche… » La figure sinistre et le ton audacieux de cet homme intimidèrent le marchand, qui n’osa pas le renvoyer. Il lui offrit deux onces d’argent, en lui disant poliment que c’était pour boire une tasse de thé. Le mendiant, indigné, demanda avec effronterie si l’on pensait qu’un homme comme lui pût se contenter de deux onces… C’est bien peu, dit le marchand ; mais nous n’avons pas autre chose. Le commerce ne va pas, les temps sont mauvais ; aujourd’hui tout le monde est pauvre. — Comment, vous autres aussi, vous êtes pauvres ? dit le mendiant. Dans ce cas, gardez vos deux onces ; je suis un homme juste, et je ne veux pas vous faire mourir de faim… » Et il s’en alla en jetant sur le marchand un regard de bête fauve.

Le lendemain, il se présenta de nouveau dans la rue, devant le magasin, et, tenant un jeune enfant dans ses bras : « Intendant de la caisse, s’écria-t-il, intendant de la caisse !… » Celui-ci, reconnaissant son mendiant, lui dit en riant : Ah ! voilà que tu as eu un remords, tu viens chercher les deux onces. — Non, je ne viens rien chercher ; au contraire, je veux te faire un cadeau. Tiens, voilà