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l’origine est racontée de la manière suivante par le P. d’Entrecolles : Comme chaque profession a son idole particulière, et que la divinité se communique aussi facilement que la qualité de comte ou de marquis se donne en certains pays d’Europe, il n’est pas surprenant qu’il y ait un dieu de la porcelaine. Ce dieu doit son origine à ces sortes de dessins qu’il est impossible aux ouvriers d’exécuter. On dit qu’autrefois un empereur voulut absolument qu’on lui fît des porcelaines sur un modèle qu’il donna. On lui représenta diverses fois que la chose était impossible ; mais toutes ces remontrances ne servirent qu’à exciter de plus en plus son envie. Les empereurs sont, durant leur vie, les divinités les plus redoutées à la Chine, et ils croient souvent que rien ne doit s’opposer à leurs désirs. Les officiers redoublèrent donc leurs soins, et ils usèrent de toute sorte de rigueurs à l’égard des ouvriers. Ces malheureux dépensaient leur argent, se donnaient bien de la peine, et ne recevaient que des coups. L’un d’eux, dans un mouvement de désespoir, se lança dans le fourneau allumé, et il y fut consumé à l’instant. La porcelaine qui s’y cuisait en sortit, dit-on, parfaitement belle et au gré de l’empereur, lequel n’en demanda pas davantage. Depuis ce temps-là, cet infortuné passa pour un héros, et il devint, dans la suite, l’idole qui préside aux travaux de la porcelaine. Je ne sache pas que sou élévation ait porté d’autres Chinois à prendre la même route, en vue d’un semblable honneur[1]. »

  1. Lettres édifiantes et curieuses, t. 111, p. 221.