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petites tasses en porcelaine, et nous le bûmes en nous conformant aux rites le plus scrupuleusement possible. Nous nous mîmes ensuite à éplucher des graines de citrouille, absolument comme si nous étions né sur les bords du fleuve Jaune au lieu d’avoir vu le jour sur les rives de la Garonne. Les spectateurs, un peu étonnés, parurent prendre un très-médiocre intérêt à cette manœuvre chinoise, qui leur était suffisamment connue. Nous passâmes ainsi quelque temps à boire par petits coups du vin de riz, et à croquer des graines de pastèques. Dans nos repas journaliers, nous avions l’habitude de témoigner peu d’attention à ces futilités. Nous passions par-dessus pour aller nous occuper de choses plus substantielles ; mais, ce jour-là, soit amour-propre et désir de faire parade de notre savoir-faire, soit malice, afin de tromper l’attente des curieux, nous voulûmes boire et manger rigoureusement selon les prescriptions du rituel chinois.

Le désenchantement des candides habitants de Nan-tchang-fou fut complet lorsqu’ils nous virent ajuster entre nos doigts avec aisance et gravité nos bâtonnets d’ivoire, puis saisir çà et là les morceaux de notre convenance, les porter lestement à la bouche, fonctionner enfin, à l’aide de ces instruments impossibles, avec une dextérité consommée et comme si nous n’eussions pas l’ait autre chose toute la vie. Il y eut parmi la foule un mouvement d’hilarité, qui semblait dire : Nous voilà étrangement frustrés dans nos espérances ; ces hommes là ne sont pas tout à fait aussi barbares que nous le pensions ; ils seraient presque dignes d’appartenir au royaume des Fleurs. La représentation étant loin