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fait ? Il exigeait qu’on lui donnât, mais il voulait qu’on s’y prît de façon à ne pas froisser le moins du monde l’exquise délicatesse de ses sentiments. Quand il arrivait quelque part, il était déjà convenu, par avance, de la somme qu’il devait percevoir. Le chef de la localité l’invitait d’abord à prendre une tasse de thé, puis à jouer une partie. On jouait gros jeu, et il était bien entendu qu’en définitive le mandarin devait tout gagner. Il fallait perdre en ayant l’air d’apporter au jeu la plus grande application, car cet étonnant magistrat tenait tout à la fois et au gain et à la gloire d’être un joueur plein d’adresse et d’habileté.

La passion du jeu a envahi, en Chine, tous les rangs, tous les âges de la société. Les hommes, les enfants, tout le monde joue. Cependant, les gens de la classe inférieure sont ceux qui montrent le plus d’acharnement et d’opiniâtreté. Dans toutes les rues des grandes villes on rencontre de petits tripots ambulants. Deux dés, dans une tasse placée sur un escabeau, sont, pour l’ouvrier qui se rend à son travail, une tentation presque irrésistible. Une fois qu’il a eu le malheur de s’accroupir devant ce petit étalage, il lui est bien difficile de s’en arracher. Il perd souvent, dans quelques heures, toutes les pénibles épargnes de son travail. Les enfants se rendent toujours en grand nombre et avec empressement autour des tables de jeu, et les personnes âgées sont les premières à les pousser dans un abîme dont ils auront ensuite tant de peine à se retirer.

L’ivrognerie est, en Chine, une cause de paupérisme non moins générale que la passion du jeu. Il y a cependant cette différence que ce vice fait plus de ravages