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On comprend que tous les joueurs n’ont pas à se couper les doigts et à se rôtir les bras ; le jeu ne porte pas partout, en Chine, ce caractère d’extravagance et de folie. Cependant il engendre dans tout l’empire de grandes misères, et il n’est rien de plus fréquent que de voir des familles nombreuses tomber tout à coup dans une affreuse indigence à la suite de quelques parties de caries ou de dés. Le mal est devenu si général, que les lois n’y peuvent rien ; les magistrats ont beau faire des proclamations très-éloquentes contre les joueurs et citer à l’appui de leurs belles paroles les passages des moralistes les plus célèbres, on n’en joue pas moins dans toutes les provinces de l’empire. Les magistrats eux-mêmes semblent, en quelque sorte, s’appliquer à rassurer le peuple contre la rigueur des lois. Les mandarins visitent quelquefois les villages, sous prétexte de rechercher les joueurs ; mais, en réalité, pour leur assurer l’impunité, à condition qu’on les dédommagera de leur peine. On leur offre, à leur arrivée, un bon dîner, puis un lingot d’argent plus ou moins gros, et ils continuent leur tournée, après avoir paternellement exhorté ces bons villageois à persévérer toujours dans la bonne observance des cinq devoirs sociaux.

Nous avons connu un mandarin qui ne pouvait pas souffrir qu’on lui offrît de l’argent quand il allait en perquisition contre les joueurs. Il avait les sentiments si nobles, si élevés, que la seule idée de recevoir un cadeau de ses administrés excitait sa colère et son indignation. Il aimait l’argent cependant, et beaucoup même : sans cela, quelle espèce de mandarin eût-il