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délivrer, moyennant certaine somme, de tous ces hideux garnisaires. Après de longues contestations on finit par s’arranger. Le village paye sa rançon, et les mendiants décampent pour aller se précipiter ailleurs comme une avalanche.

Ces hordes de gueux recueillent quelquefois dans leurs expéditions d’assez abondantes récoltes. Tout va d’abord dans les mains du roi ; il en fait ensuite la répartition entre tous ses sujets, qui, du reste, paraissent très-avancés dans les principes du communisme, voire même du fouriérisme, sans avoir pourtant lu une seule ligne des théories de Cabet ou de Victor Considérant. On prétend, en Europe, au monopole des idées grandes et neuves ; bien des gens se sentiront, sans doute, humiliés en voyant que des Asiatiques, des Chinois, savent depuis longtemps mettre en pratique certaines opinions écloses d’hier dans les puissants cerveaux des philosophes de l’Occident.

Il existe à Péking un phalanstère qui surpasse en excentricité tout ce qu’a pu rêver la féconde imagination de Fourier. On l’appelle Ki-mao-fan, c’est-à-dire « Maison aux plumes de poule. » À force de pousser les lois du progrès, les Chinois en sont venus jusqu’à pouvoir fournir aux pauvres une chaude couche en duvet, moyennant la modique rétribution d’un demi-centime par nuit. Ce merveilleux établissement phalanstérien est uniquement composé d’une salle grandiose, remplie, dans toute son étendue, d’une épaisse couche de plumes de poule. Les mendiants et les vagabonds qui n’ont pas de domicile vont passer la nuit dans cet immense dortoir. Hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux, tout