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si pleine de bienveillance ne peut manquer de les disposer favorablement à l’égard des membres de la confrérie des cercueils gratuits. À part cette société, nous n’avons pas eu connaissance qu’il en existât d’autre qui fût instituée dans le but de subvenir aux besoins des indigents.

Si les classes aisées négligent de s’associer pour le soulagement des pauvres, ceux-ci ne manquent pas, en revanche, de former des compagnies en commandite pour l’exploitation des riches. Chacun apporte à la masse quelque infirmité, vraie ou supposée, et l’on cherche ensuite à faire valoir le plus possible ce formidable capital de misères humaines. Tous les pauvres se trouvent enrégimentés par escouades et par bataillons. Cette grande armée de gueux a un chef qui porte le titre de roi des mendiants, et qui est légalement reconnu par l’État. Il répond de la conduite de ses sujets en guenilles, et c’est à lui qu’on s’en prend lorsqu’il règne parmi eux des désordres par trop criants et capables de compromettre la tranquillité publique. Le roi des mendiants de Péking est une véritable puissance. Il y a des jours fixes où il est autorisé à mettre en campagne ses nombreuses phalanges et à les envoyer demander l’aumône ou plutôt marauder aux environs de la capitale. Il faudrait le pinceau de Callot pour peindre l’allure burlesque, cynique et désordonnée, de cette armée de pauvres, marchant fièrement à la conquête de quelque village. Pendant qu’ils se répandent de toute part comme une invasion d’insectes dévastateurs, et qu’ils cherchent, par leur insolence, à intimider tout le monde, le roi convoque les chefs de la contrée et leur propose de les