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étendus dans les champs et le long des sentiers ; on passe à côté d’eux sans s’émouvoir, sans même y faire attention, tant on est accoutumé à ces horribles spectacles !

En 1849, nous fûmes arrêté pendant six mois dans une chrétienté de la province de Tché-kiang, d’abord par de longues pluies torrentielles, et puis par une inondation générale qui envahit la contrée. De toute part on voyait comme une vaste mer au-dessus de laquelle semblaient flotter des villages et des arbres. Les Chinois, qui prévoyaient déjà la perte de la récolte et toutes les horreurs de la famine, déployèrent une activité et une persévérance remarquables pour lutter contre le fléau dont ils étaient enveloppés. Après avoir élevé des digues autour de leurs champs, ils essayèrent de vider l’eau dont ils étaient remplis ; mais, aussitôt qu’ils semblaient devoir réussir dans leur difficile et pénible entreprise, la pluie tombait de nouveau en telle abondance, que les champs étaient bientôt inondés. Durant trois mois entiers nous fûmes témoin de leurs efforts opiniâtres ; les travaux ne discontinuaient pas un instant. Ces malheureux, plongés dans la vase jusqu’aux hanches, étaient, jour et nuit, occupés à tourner leurs pompes à chaînes, afin de faire écouler, dans les lits des rivières et des canaux, les eaux qui avaient envahi la campagne. L’inondation ne put être maîtrisée ; et, après des peines excessives, ces infortunés eurent la douleur de ne pouvoir cultiver leurs champs, et de se trouver bientôt dans un complet dénûment. Alors on les vit s’organiser par grandes troupes, et courir la province un sac sur le dos, pour recueillir çà et là un peu de riz. Ces bandes étaient hideuses à voir. À moitié couverts de haillons, les cheveux