Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée

la nuit précédente. Nous en fûmes quittes en portant nos lits sur le pont et en nous résignant à coucher parmi les matelots, dont les cris et le bavardage perpétuels étaient encore moins incommodes que les incessantes agaceries des cancrelats.

Durant ces deux jours de navigation, nous vîmes rarement la terre. Il nous était difficile de nous persuader que nous étions au centre de l’empire chinois. Cette immense étendue d’eau, ces longues vagues soulevées par le vent, ces nombreux et gros navires qui voguent dans tous les sens, tout semblait indiquer une véritable mer plutôt qu’un lac. Le mouvement des jonques innombrables qui sillonnent continuellement la surface du Pou-yang offre à la vue un spectacle vraiment ravissant. Les diverses directions qu’elles doivent suivre donnent à leur voilure et à leur construction une variété de formes infinie, les unes, allant vent arrière, étalent leurs larges nattes et avancent avec une imposante majesté ; d’autres luttent péniblement contre la brise et les flots, tandis qu’un grand nombre, courant parle travers et en sens inverse, ressemblent à des monstres marins en courroux et qui chercheraient à se précipiter les uns contre les autres. Les évolutions de toutes ces machines flottantes sont si rapides et si multipliées, que le tableau se modifie et change à chaque instant.

Nous aurions pu aller par eau jusqu’à la capitale du Kiang-si, car, en sortant du lac Pou-yang nous entrâmes dans l’embouchure d’une rivière navigable qui passe sous les murs de Nan-tchang-fou ; mais, avec le vent et le courant contraires, la navigation eût été trop longue et trop pénible. Nous aimâmes donc mieux reprendre