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est une mauvaise bête. Depuis que nous sommes en voyage, il est cause que nous n’avons pu dormir un seul instant. — Il fallait me le dire plus tôt, répondit-il, je l’aurais empêché de chanter. Comme notre catéchiste était parfois d’humeur facétieuse, nous prîmes son observation pour une mauvaise plaisanterie. Le lendemain matin, nous trouvâmes pourtant que nous avions dormi profondément ; nous étions comme rassasié de sommeil. — L’âne a-t-il chanté cette nuit ? nous dit le catéchiste aussitôt qu’il nous aperçut. — Peut-être non ; en tout cas nous ne l’avons pas entendu. — Oh ! pour moi, je suis bien sûr qu’il n’a pas chanté ; avant de me coucher j’avais pris mes mesures… — Vous avez dû remarquer, sans doute, ajouta-t-il, que, lorsqu’un âne veut chanter, il commence par lever la queue et qu’il la tient tendue presque horizontalement tant que dure la chanson, eh bien ! pour le condamner au silence, il n’y a qu’à lui attacher une pierre à la queue et l’empêcher de la lever. Nous regardâmes notre catéchiste en souriant, comme pour lui demander s’il ne se moquait pas de nous. — Venez voir, nous dit-il, l’expérience est là. Nous allâmes dans la cour et nous vîmes, en effet, ce pauvre âne, qui, avec une grosse pierre suspendue à la queue, avait beaucoup perdu de sa fierté ordinaire. Les yeux fixés en terre et les oreilles basses, il paraissait profondément humilié ; sa vue nous fit vraiment compassion, et nous priâmes notre catéchiste de lui détacher la pierre. Aussitôt qu’il sentit son appendice musical en liberté, il redressa d’abord la tête, ensuite les oreilles, puis enfin la queue, et se mit à braire avec un prodigieux enthousiasme.