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changement prochain. Le lac Pou-yang a une quinzaine de lieues de longueur et cinq ou six de largeur. Avec le bon vent qui soufflait, une journée nous suffisait pour être au bout de notre navigation. On loua une jonque, soi-disant mandarine, mais en réalité jonque marchande, et le soir même nous allâmes nous installer à bord afin de pouvoir appareiller à l’aube du jour.

À peine fûmes-nous couchés dans une assez vaste chambre qu’on avait réservée pour le Saule pleureur et nous, que nous éprouvâmes un vif regret de n’être pas restés à terre pour y passer la nuit. Des troupes de cancrelats se mirent à nous faire une guerre impitoyable. On les entendit d’abord voler, exécuter des rondes, se poursuivre, se heurter contre les cloisons de la chambre, s’abandonner enfin à leurs ébats, sans doute très amusants pour eux, mais pour nous infiniment désagréables. Cependant ils se calmèrent un peu pour commencer leurs atroces manœuvres. Après s’être donné quelques instants d’exercice, probablement afin de se mettre en bon appétit, ils songèrent à prendre leur repas. Pour les cancrelats tout est bon à manger, à ronger, à dévorer ; les souliers, les chapeaux, les habits, l’huile des lampes, l’encre des écritoires, le tabac même, sans en excepter la blague ; ils sont friands surtout des bouts des doigts, des orteils et des oreilles. Le pauvre voyageur y passerait tout entier avec ses vêtements et sa couverture, pourvu qu’on les laissât travailler à leur aise ; ce ne serait qu’une simple question de temps et de patience. À chaque instant nous les entendions ronger, tantôt d’un côté, tantôt d’un autre. Quelquefois ils nous passaient insolemment sur la