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quelque chose d’intéressant. Les bourreaux prirent leur position, et bientôt on vit tournoyer et se balancer, sous une grêle de coups, le corps du criminel, qui poussait des cris effroyables ; son sang jaillissait de toute part, coulait le long des verges de rotin, et rougissait les bras nus des bourreaux.

Il nous fut impossible de soutenir la vue d’un pareil spectacle. Nous demandâmes à un officier du tribunal, qui était avec nous dans le cabinet du préfet, s’il n’y aurait pas moyen de sortir sans traverser la salle du jugement. Il nous engagea vivement à attendre la fin de la séance, pour voir, disait-il, comment on s’y prenait pour détacher l’accusé. Cette proposition nous ayant peu souri, il eut l’obligeance de nous reconduire par un long corridor, jusqu’à la porte où nous attendaient les palanquins. — Ce criminel est un bon kouan-kouen, nous dit l’officier en nous quittant. Dans votre pays y a-t-il un grand nombre de kouan-kouen ? — Non, lui répondîmes-nous, cette classe d’hommes est inconnue chez nous.

Il serait difficile de trouver dans la langue française un équivalent de ce mot kouan-kouen. Il est donné, en Chine, à une race de bandits qui se font un jeu et un honneur de fronder les lois et les magistrats, de commettre des injustices et des assassinats. Donner et recevoir des coups avec impassibilité, tuer les autres avec sang-froid et ne pas redouter la mort, voilà le sublime du genre. Les kouan-kouen sont très-nombreux en Chine ; ils forment entre eux des associations et se soutiennent mutuellement avec une imperturbable fidélité. Quelques-uns vivent isolément, et ce sont les plus féroces.