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être sous l’impression d’un horrible cauchemar. Le premier objet qui s’était présenté à notre vue, en entrant dans le prétoire chinois, c’était l’accusé, le prévenu, l’homme qu’on était en train de juger. Il était suspendu au milieu de la salle, comme une de ces lanternes à forme bizarre et de dimension colossale qu’on rencontre dans les grandes pagodes. Des cordes attachées à une grosse poutre de la charpente tenaient l’accusé lié par les poignets et par les pieds, de sorte que le corps était obligé de prendre la forme d’un arc. Au-dessous de lui étaient cinq ou six bourreaux armés de lanières de cuir et de racines de rotin. Les gémissements étouffés qu’exhalait ce malheureux, ces membres déchirés de coups et presque en lambeaux, et puis ces bourreaux dans une attitude féroce et dont la figure et les habits dégouttaient de sang, tout cela présentait un tableau hideux, qui nous fit frissonner d’horreur. Le public qui assistait à cet épouvantable spectacle paraissait parfaitement tranquille. On eût dit que notre bonnet jaune le préoccupait plus que tout le reste. Plusieurs riaient du saisissement que nous avions éprouvé en entrant dans la salle.

Le magistrat, qu’on s’était hâté de prévenir de notre arrivée au tribunal, se leva de son siège aussitôt qu’il nous aperçut et traversa la salle pour venir nous recevoir. En passant tout près des bourreaux il dut marcher sur la pointe des pieds et relever un peu sa belle robe de soie, parce que le parquet était couvert de larges plaques de sang à moitié caillé. Après nous avoir salués en souriant, il nous dit qu’il allait suspendre un instant la séance. Il nous conduisit ensuite dans un