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leur thé et à leurs causeries. Personne ne se douterait, assurément, qu’ils viennent de pleurer à chaudes larmes.

Quand vient le tour des femmes d’aller se ranger autour du cercueil, la comédie est jouée avec une perfection qui ne laisse rien à désirer. Toutes ces douleurs postiches prennent une telle expression de sincérité, les larmes sont si abondantes, les soupirs si étouffés, la voix si pleine de sanglots, que, malgré la persuasion où l’on est que tout cela est une représentation purement mensongère, on ne peut s’empêcher d’être ému de compassion à la vue de ces pauvres femmes qui fondent en larmes et paraissent suffoquées par une vraie et profonde douleur.

Les Chinois ne manquent pas d’exploiter, dans une foule de circonstances, leur étonnante facilité à se désoler à froid et à verser, en guise de larmes, une prodigieuse abondance d’eau, qu’ils font venir on ne sait d’où Quoiqu’ils soient tous parfaitement au courant de ces moyens d’influence et d’insinuation, ils ne laissent pas, pour cela, de s’y laisser prendre eux-mêmes fort souvent et de s’attraper mutuellement. C’est surtout avec les étrangers qu’ils ont beau jeu et qu’ils obtiennent de brillants succès. Les missionnaires nouvellement arrivés en Chine, et qui n’ont pas encore eu le temps d’étudier et d’apprécier ces natures flexibles, ces caractères si habiles à prendre tour à tour et à volonté l’expression des sentiments les plus opposés, s’imaginent souvent avoir affaire aux hommes les plus sensibles, les plus impressionnables du monde, mais ils ne tardent pas à s’apercevoir que, dans leurs larmes comme dans leur langage, le plus souvent tout est factice et trompeur. La sincérité