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parents et les amis du mort se réunissent, à certaines heures déterminées, pour pleurer tous ensemble, et exprimer leurs regrets et leur douleur. Nous avons assisté plusieurs fois à ces cérémonies funèbres, où les Chinois déploient, avec une merveilleuse facilité, leur prodigieux talent pour la dissimulation. Les hommes et les femmes se rassemblent dans des appartements séparés. En attendant que le moment de pleurer soit venu, on est occupé à boire du thé, à fumer, à jaser, à rire, mais avec tant d’abandon et de laisser aller, qu’on ne s’imaginerait guère avoir là, sous les yeux, une réunion de pleureurs. Quand l’heure est arrivée, le plus proche parent du mort avertit l’assemblée, et l’on va se placer en cercle autour du cercueil. Les conversations continuent bruyamment jusqu’à ce qu’on donne le signal ; alors les lamentations commencent, et ces figures, naguère si réjouies et de si belle humeur, prennent subitement l’expression de la douleur et de la désolation. On adresse au mort les paroles les plus attendrissantes ; chacun lui fait son monologue entrecoupé de sanglots et de gémissements et, ce qu’il y a de plus extraordinaire, de plus inconcevable, c’est que des larmes, mais des larmes réelles, véritables, coulent en abondance. Ces gens-là se lamentent, se désolent avec tant de naturel, qu’on les croirait inconsolables ; mais ce ne sont, après’out, que d’habiles comédiens du deuil et de la douleur. À un signal donné, tout cesse brusquement ; on n’a qu’à passer le revers de la main sur les yeux, et la source des larmes est tarie. On n’achève pas même un gémissement, un sanglot commencé ; chacun prend sa pipe, et l’on voit ces incomparables Chinois retourner en riant à