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et l’on pousse en avant avec les mains, comme pour la forcer de retourner chez elle, de rentrer dans le corps du moribond. Parmi ceux qui s’évertuent de la sorte à la suite de celte âme réfractaire, il y a toujours quelqu’un de plus habile que les autres et qui finit par la dépister. Alors il appelle au secours : Elle est par ici, s’écrie-t-il ; et aussitôt tout le monde d’accourir. On réunit ses forces, on concentre tous ses moyens d’action ; on pleure, on gémit, on se lamente ; les cris retentissent sur tous les tons ; les pétards éclatent de toute part, on fait un effroyable charivari à cette pauvre âme ; on la pousse de toutes les manières imaginables, de sorte que, si elle ne cède pas à de telles injonctions, on est en droit de lui supposer beaucoup de mauvaise volonté et un grand fond d’obstination.

Quand on procède à cette étrange perquisition, on ne manque jamais de se munir de lanternes, afin d’éclairer l’âme, de lui indiquer la route et de lui enlever ainsi tout prétexte de ne pas retourner. Ces cérémonies ont lieu, le plus souvent, pendant la nuit, parce que, disent les Chinois, l’âme est dans l’usage de profiter de l’obscurité pour s’en aller. Cette opinion se rapproche un peu de l’idée émise par M. de Maistre dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg[1] : « L’air de la nuit ne vaut rien pour l’homme matériel, les animaux nous l’apprennent en s’abritant tous pour dormir. Nos maladies nous l’apprennent en sévissant toutes pendant la nuit. Pourquoi en voyez-vous, le matin, chez votre ami malade, demander comment il a passé la nuit,

  1. Tome II, p. 75.