Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’y a en effet aucun inconvénient ; qu’on adopte un remède ou un autre, qu’on absorbe peu ou beaucoup de liqueur noire, cela ne fait ordinairement ni froid ni chaud.

Le médecin, après avoir longtemps discuté, finit toujours par livrer sa marchandise au rabais, parce qu’il est bien sûr que, s’il se montrait trop tenace dans le prix de ses ordonnances, on irait essayer de se faire guérir dans une autre boutique. Il arrive quelquefois, dans ces circonstances, des choses vraiment étonnantes et qui caractérisent bien le type chinois ; quand le docteur apothicaire a dit son dernier mot et déclaré le plus franchement possible que, pour obtenir la guérison, il est nécessaire d’user de tel remède durant tant de jours, alors le conseil de famille entre en délibération ; on pose froidement une question de vie et de mort, en présence même du malade ; on discute pour savoir si, à raison d’un âge trop avancé ou d’une maladie qui offre peu d’espoir, il ne vaut pas mieux s’abstenir de faire des dépenses et laisser les choses aller tout doucement leur train. Après avoir rigoureusement supputé ce qu’il en coûtera pour acheter des remèdes peut-être inutiles, le malade lui-même prend souvent l’initiative et décide qu’il vaut vieux réserver cet argent pour faire emplette d’un cercueil de meilleure qualité ; puisqu’il faut mourir tôt ou tard, il est tout naturel de renoncer à vivre quelques jours de plus, afin de faire des économies et d’être enterré honorablement. Dans cette douce et si consolante perspective, on renvoie le médecin, et, séance tenante, on fait appeler le fabricant de cercueils. Telles sont les graves préoccupations des Chinois en présence de la mort.