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vent arrière. Ce n’est pas que les voiles manquassent : d’abord il y en avait une très-large au-dessus de la maison, et puis plusieurs autres aux angles de l’île ; de plus, tous les insulaires, hommes, femmes et enfants, armés de longs avirons, travaillaient de tout leur pouvoir, sans imprimer pour cela une grande vitesse à leur métairie. Mais il est probable que la crainte des retards tourmente peu ces mariniers agricoles, qui sont toujours sûrs d’arriver à temps pour coucher à terre. On doit souvent les voir changer de place sans motif, comme font les Mongols au milieu de leurs vastes prairies ; plus heureux que ces derniers, ils ont su se faire, en quelque sorte, un désert au milieu de la civilisation, et allier les charmes et les douceurs de la vie nomade aux avantages de la vie sédentaire.

Il existe de ces îles flottantes à la surface de tous les grands lacs de la Chine. Au premier abord, on s’arrête avec enchantement devant ces poétiques tableaux ; on aime à contempler cette abondance pittoresque, on admire le travail ingénieux de cette race chinoise qui est toujours étonnante dans tout ce qu’elle fait. Mais, quand on cherche à pénétrer le motif pour lequel ont été créées ces terres factices, quand on calcule tout ce qu’il a fallu de patience et de sueur à quelques familles déshéritées, et qui, pour ainsi dire, n’avaient pu trouver en ce monde une place au soleil, alors le tableau, naguère si riant, prend insensiblement de sombres couleurs, et l’on se demande, l’âme accablée de tristesse, quel sera l’avenir de cette immense agglomération d’habitants que la terre ne peut plus contenir, et qui est forcée, pour vivre, de se répandre sur la surface des