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Dieu et le salut des hommes. Notre cher néophyte n’était plus avec nous ; il se trouvait dans son pays, à l’abri de tout danger. On n’avait donc à s’occuper que de nous seuls ; le gouvernement chinois n’avait que nos deux têtes sur lesquelles il pût frapper. La question se trouvait ainsi très peu compliquée. En cette situation tout exceptionnelle, nous pouvions, Dieu aidant, nous présenter devant nos juges avec une grande sérénité d’esprit et de cœur.

L’administration générale de chaque province est confiée à deux sse ou commissaires, qui ont leurs tribunaux dans la capitale : ce sont les plus importants après celui du vice-roi. Nous fûmes conduits au prétoire du premier commissaire provincial, qui porte le titre de Pou-tching-sse. Son collègue, Ngan-tcha-sse (scrutateur des délits), espèce de procureur général, devait s’y trouver réuni avec les principaux mandarins de la ville ; car, nous avait-il été dit, le jugement devait être solennel et extraordinaire.

Une foule immense attendait aux environs du tribunal. Parmi cette cohue populaire, avide de voir les deux diables des mers occidentales (Yan-koui-dze), nous remarquâmes quelques figures sympathiques et qui semblaient nous dire : Vous voilà plongés dans une grande détresse, et nous ne pouvons rien faire pour vous… L’abattement de ces pauvres chrétiens nous faisait mal ; nous eussions voulu faire pénétrer dans leur âme un peu de ce calme et de cette paix dont nous étions remplis… Des soldats armés de bambous et de rotins écartèrent la foule, le grand portail s’ouvrit, et nous entrâmes. Nous fûmes placés dans une petite salle d’at-