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avait de mieux pour la délicatesse de son tempérament. On conçoit que les talents de société de nos deux compagnons n’avaient rien de bien attrayant pour nous ; ils ne pouvaient, tout au plus, que nous faire regretter les mœurs un peu bourrues et sauvages des Tartares. Heureusement que nous recevions de temps en temps quelques visiteurs de distinction, dont les fines et élégantes manières nous rappelaient que nous étions dans la capitale de la province la plus civilisée, peut-être, du Céleste Empire.

Quatre jours après notre arrivée à Tching-tou-fou, on nous signifia, de grand matin, que, le dossier de notre procès étant suffisamment étudié, on allait procéder à notre jugement. Cette nouvelle, on peut bien le penser, était pour nous toute palpitante d’intérêt. Un jugement en Chine, et par ordre de l’empereur, ce n’était pas une bagatelle. Plusieurs de nos heureux devanciers n’étaient entrés dans les tribunaux que pour y être torturés, et n’en étaient sortis que pour aller glorieusement à la mort. Cette journée allait donc être décisive et trancher toutes nos incertitudes sur notre avenir, depuis si longtemps enveloppé de ténèbres. Notre position n’était pas tout à fait semblable à celle de la plupart des missionnaires qui ont eu à comparaître devant les mandarins. Nous n’avions pas été arrêtés sur le territoire chinois, aucun chrétien de la province n’avait jamais eu de relations avec nous, personne ne se trouvait impliqué dans nos affaires, et nous étions sûrs qu’à cause de nous personne ne serait compromis. Samdadchiemba était le seul complice de nos fatigues, de nos privations et de notre bonne volonté pour la gloire de