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donné, et il découvrit un beau crucifix enveloppé d’un vieux chiffon de soie. Les deux préfets durent s’apercevoir que nous fûmes subitement saisis d’émotion à la vue de ces objets qui étaient pour nous de vénérables reliques. En feuilletant le bréviaire, nous avions lu sur la première page le nom de Monseigneur Dufraisse, évêque de Tabraca, vicaire apostolique de la province du Sse-tchouen. Ce saint et courageux évêque avait été martyrisé en 1815, dans la ville de Tching-tou-fou ; peut-être avait-il était jugé et torturé dans le tribunal même où nous étions. — Ces objets, dîmes-nous aux mandarins, ont appartenu à un chef de la religion chrétienne, à un Français que vous avez mis à mort ici, dans cette ville, il y a trente ans. Cet homme était un saint, et vous l’avez tué comme un malfaiteur. Nos mandarins parurent étonnés et interdits de nous entendre parler de cet événement déjà ancien. Après un moment de silence, l’un d’eux nous demanda qui avait pu nous tromper de la sorte et nous raconter une fable si extraordinaire. — Probablement, ajouta-t-il en riant et sur le ton de l’insouciance, probablement on a voulu plaisanter. — Non, non, il n’y a certes pas lieu à plaisanterie ! Ce grand acte d’iniquité a été commis comme nous te le disons ; ne rions pas de cela ; toutes les nations de l’Occident savent que vous avez torturé et étranglé un grand nombre de missionnaires chrétiens. Il y a quelques années seulement, n’avez-vous pas mis à mort un autre Français, un de nos frères, à Ou-tchang-fou[1] ? — Les

  1. Le vénérable Perboyre, missionnaire de la congrégation de Saint-Lazare, martyrisé, en 1840, à Ou-tchang-fou, capitale de la province du Hou-pé.