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insignifiante ; mais nous ne tardâmes pas à nous apercevoir que nos deux magistrats voulaient nous scruter et nous faire subir un interrogatoire, en quelque sorte à notre insu. Ce n’était pas chose aisée ; comme nous avions été invités à un dîner, nous entendions dîner paisiblement et gaiement même, s’il y avait possibilité. Nous eûmes donc la malicieuse obstination de ne jamais nous placer sur le terrain où ils nous poussaient le plus adroitement du monde. Quand ils croyaient nous saisir, nous leur échappions brusquement en leur demandant si la récolte du riz avait été bonne, ou combien de dynasties comptait la monarchie chinoise. Ce qui les rendait surtout malheureux, c’est qu’il nous échappait quelquefois de parler français entre nous. Alors ils nous regardaient et se regardaient eux-mêmes avec anxiété, comme s’ils eussent voulu saisir des yeux ce qu’ils ne comprenaient pas par les oreilles. Nous arrivâmes ainsi d’une manière très-amusante à la fin du dîner, qui se termina, comme de raison, par le potage, puisqu’il avait commencé par le dessert.

Nous nous levâmes de table ; chacun prit sa pipe, et on servit le thé. Le préfet mantchou nous quitta un instant et revint bientôt, portant sous le bras un livre européen et un paquet. Il nous remit le livre en nous demandant si nous connaissions cela. C’était un vieux bréviaire. — Voilà un livre chrétien, lui dîmes-nous, un formulaire de prières ; comment se trouve-t-il ici ? — J’ai beaucoup d’amis parmi les chrétiens, l’un d’eux m’en a fait cadeau. Nous le regardâmes en souriant, car c’était plus poli que de lui dire : Vous mentez. — Voici encore, ajouta-t-il, ce qui m’a été