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Souvent le tribunal sert en même temps de prison ; les loges des condamnés sont ordinairement placées dans la première cour. Quand nous entrâmes au palais du préfet, nous remarquâmes une foule de ces malheureux, à la face livide, et dont les membres décharnés étaient à moitié recouverts de quelques lambeaux de haillons. Ils étaient accroupis au soleil ; les uns avaient sur les épaules une énorme cangue, d’autres étaient chargés de chaînes ou portaient aux pieds et aux mains de lourdes entraves.

Le préfet du Jardin de fleurs ne se fit pas attendre. Aussitôt que nous fûmes arrivés, il se présenta et nous introduisit dans la salle à manger, où nous trouvâmes un quatrième convive. C’était le préfet du troisième district de la ville. Un coup d’œil nous suffit pour reconnaître en lui le type chinois. Il était de taille moyenne et d’un assez joli embonpoint. Sa figure, plus fine, plus distinguée que celle de son confrère tartare-mantchou, avait cependant moins d’intelligence et de pénétration. Ses yeux étaient suspects, ils témoignaient encore plus de méchanceté que de malice. Nous nous assîmes à une table carrée, missionnaire contre missionnaire et préfet contre préfet. Selon la pratique chinoise, le dîner commença par le dessert. Nous nous amusâmes longtemps avec des fruits, des confitures et des sucreries, pendant que nos échansons ne discontinuaient pas de remplir nos petits verres de vin chaud[1]. La conversation avait la prétention d’être

  1. La politesse chinoise exige que le verre soit toujours plein. Pour si peu qu’on boive à la fois, ceux qui servent doivent aussitôt remplir le vide.