Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Seigneur du ciel ? — Pour toute réponse, il se jeta fièrement à genoux, fit un grand signe de croix et nous demanda notre bénédiction. Un pareil acte, en présence des bonzes et d’une foule de curieux, témoignait d’une foi vive et d’un grand courage ; ce jeune homme, en effet, avait une âme fortement trempée. Il se mit à nous parler, sans se gêner le moins du monde, des nombreux chrétiens de la capitale, des quartiers de la ville où il y en avait le plus, et du bonheur qu’ils auraient à nous voir ; puis il attaqua à brûle-pourpoint le paganisme et les païens, fit l’apologie du christianisme, de sa doctrine et de ses pratiques, interpella les bonzes, railla les idoles et les superstitions, et apprécia enfin la valeur théologique des livres de Confucius, de Lao-tze et de Bouddha. C’était un flux de paroles qui ne tarissait pas ; les bonzes étaient déconcertés de ses attaques à bout portant, les curieux riaient de plaisir, et nous, au milieu de cette scène imprévue, nous ne pouvions nous empêcher d’être tout glorieux de voir un chrétien chinois afficher et défendre en public ses croyances. C’était une rareté.

Pendant le long monologue de notre chrétien, il fut question, à plusieurs reprises, comme d’une ambassade française arrivée à Canton et d’un certain grand personnage nommé Lo-ko-nie[1], qui avait arrangé les affaires de la religion chrétienne en Chine, de concert

  1. Nom chinoisé de M. Lagrenée. L’ambassade française en Chine avait eu lieu pendant nos courses dans la Tartarie et le Thibet, et c’était pour la première fois que nous en entendions vaguement parler.