Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les progrès aient été si rapides. Deux agents de la compagnie des Indes furent les premiers qui eurent, vers le commencement du dix-huitième siècle, la déplorable pensée de faire passer en Chine l’opium du Bengale. C’est au colonel Watson et au vice-résident Wheeler que les Chinois sont redevables de ce nouveau système d’empoisonnement. L’histoire a conservé le nom de Parmentier, pourquoi ne garderait-elle pas aussi celui de ces deux hommes ? Ceux qui font du bien ou du mal à leur semblable méritent qu’on se souvienne d’eux ; car l’humanité doit glorifier les uns et flétrir les autres.

Aujourd’hui la Chine achète annuellement aux Anglais pour cent cinquante millions d’opium. Ce trafic se fait par contrebande, sur les côtes de l’empire, surtout dans le voisinage des cinq ports qui ont été ouverts aux Européens. De grands et beaux navires armés en guerre servent d’entrepôts aux marchands anglais, qui demeurent toujours à poste fixe pour livrer leur marchandise aux Chinois. Ce commerce illicite est également protégé et par le gouvernement anglais et par les mandarins du Céleste Empire. La loi qui défend, sous peine de mort, de fumer l’opium n’a pas été rapportée ; cependant elle est tellement tombée en désuétude, que chacun peut fumer en liberté, sans avoir à redouter la répression des tribunaux. Dans toutes les villes, on étale et vend publiquement les pipes, les lampes et tous les instruments nécessaires aux fumeurs. Les mandarins sont eux-mêmes les premiers à violer la loi et à donner le mauvais exemple au peuple. Pendant notre long voyage en Chine, nous n’avons pas rencontré un seul tribunal où on ne fumât l’opium ouvertement et impunément.