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Ce sont des arcs de triomphe élevés à la viduité et à la virginité. Si une fille ne veut pas se marier, afin de mieux se dévouer au service de ses parents, ou si une veuve refuse de passer à de secondes noces, par respect pour la mémoire de son mari défunt, elles sont honorées, après leur mort avec pompe et solennité. On forme des souscriptions pour élever des monuments à leur vertu ; tous les parents y contribuent, et souvent même les habitants du village ou du quartier où demeurait l’héroïne veulent y prendre part. Ces arcs de triomphe sont en pierre ou en bois ; ils sont chargés de sculptures, quelquefois assez remarquables, représentant des animaux fabuleux, des fleurs et des oiseaux de toute espèce. Nous y avons souvent admiré des moulures et des ornements de fantaisie que n’eussent pas désavoués les artistes qui sculptèrent jadis nos belles cathédrales. Sur le frontispice il y a ordinairement une grande inscription dédicatoire à la virginité ou à la viduité ; elle est gravée horizontalement et en creux. Sur les deux côtés on lit en petits caractères les vertus de l’héroïne. Ces arcs de triomphe sont d’un bel effet, et sont très-répandus sur les chemins et quelquefois dans les villes. A Ning-po, célèbre port de mer dans la province du Tché-kiang, il y a une longue rue entièrement composée de semblables monuments. Ils sont tous en pierre et d’une riche et majestueuse architecture. La beauté des sculptures a excité l’admiration de tous les Européens qui ont pu les voir ; en 1842, quand les Anglais se furent emparés de cette ville, ils eurent, diton, la pensée d’enlever tous ces arcs de triomphe et de transporter ainsi à Londres une rue chinoise tout entière.