Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soldats de l’escorte cherchaient à écarter la foule en distribuant à droite et à gauche, de grands coups de rotin ; les porteurs vociféraient ; et, pendant que nous avancions ainsi comme au milieu d’une émeute, tous ces petits yeux chinois plongeaient dans nos palanquins avec une avide curiosité. On faisait tout haut des réflexions sur la découpure de notre visage ; la barbe, le nez, les yeux, le costume, rien n’était oublié. Quelques-uns paraissaient satisfaits de notre façon d’être ; plusieurs, au contraire, partaient subitement d’un grand éclat de rire, aussitôt qu’ils avaient saisi tout ce qu’il y avait de drôle et de burlesque dans notre physionomie européenne. Cependant la calotte jaune et la ceinture rouge produisaient un effet magique. Ceux qui les premiers en faisaient la découverte les montraient à leurs voisins avec ébahissement, et les figures prenaient à l’instant un aspect grave et sévère. Les uns disaient que l’empereur nous avait chargés d’une mission extraordinaire, et qu’il nous avait lui-même donné ces décorations impériales ; d’autres prétendaient que nous étions des espions envoyés par l’Europe, qu’on nous avait arrêtés dans le Thibet, et qu’après nous avoir jugés on nous couperait la tête. Tous ces propos, qui se croisaient sur notre passage, étaient parfois assez amusants ; mais, le plus souvent, nous en étions importunés.

A Ya-tcheou, belle ville de second ordre, où nous nous arrêtâmes après avoir quitté Tsing-khi-hien, il y eut à notre sujet une véritable insurrection. L’hôtellerie que nous habitions possédait une vaste et belle cour autour de laquelle étaient disposées les chambres destinées aux voyageurs. Aussitôt que nous fûmes installés dans les