Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lage tranchaient vivement sur la tendre verdure des rizières. Le tableau se complétait par quelques habitations à moitié cachées dans des touffes de bambou, d’où s’échappaient par intervalles de légers tourbillons de fumée.

Malgré les difficultés et les dangers que présente cette montagne, elle est perpétuellement couverte d’un grand nombre de voyageurs ; car il n’y a pas d’autre passage pour se rendre à Ta-tsien-lou, grande place de commerce entre la Chine et les tribus thibétaines. On rencontre, à chaque instant, le long de ces étroits sentiers, des files interminables de porteurs de thé en brique[1] qu’on prépare à Khioung-tcheou, et qui s’expédie de Ta-tsien-lou dans les diverses provinces du Thibet. Ces thés, pressés et empaquetés en long dans des nattes grossières, sont placés et retenus par des lanières en cuir sur le dos des porteurs chinois, qui s’en chargent ordinairement outre mesure. On voit ces malheureux, parmi lesquels on remarque un grand nombre de femmes, d’enfants et de vieillards, grimper ainsi, à la suite les uns des autres, sur les flancs escarpés de la montagne. Ils avancent en silence, à pas lents, appuyés sur de gros bâtons ferrés et les yeux continuellement fixés en terre. Des bêtes de somme supporteraient difficilement les fatigues journalières et excessives auxquelles sont condamnés ces nombreux forçats de la misère. De temps en temps, celui qui est à la tête de la file donne le signal d’une courte halte en frappant la montagne d’un grand coup de son bâton ferré. Ceux qui le suivent imitent

  1. Fabrication et préparation du thé en brique. (Voir Souvenirs d’un voyage, t. 1, p. 46.)