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nous ne voulûmes pas, cependant, suivre notre attrait particulier et nous décider en faveur du fleuve Bleu. Nous nous contentâmes d’avertir maître Ting que nous ferions route avec la même indifférence, par terre ou par eau, sur une barque ou dans un palanquin.

Ce fut en palanquin que nous partîmes de Kin-tcheou. Nous laissâmes cette ville dans un état semblable à celui où nous l’avions trouvée en arrivant ; son mouvement commercial ne s’était pas encore rétabli, les boutiques restaient à moitié fermées, et le petit nombre d’habitants qu’on rencontrait dans les rues avaient le regard plein de méfiance et de mécontentement ; toutefois cette teinte sombre et rembrunie ne dépassait pas les limites de la ville. En dehors des murs, nous retrouvâmes les Chinois avec leur caractère gai, alerte et empressé ; dans la campagne surtout, on paraissait peu se préoccuper de la querelle des jeux nautiques ; chacun était à ses travaux ; la nature entière, gracieuse, souriante, et dans la plus parfaite harmonie, semblait vouloir nous faire oublier l’aspect triste et soucieux de la ville ; les fleurs, encore humides et brillantes de rosée, s’épanouissaient aux premiers rayons du soleil ; les oiseaux folâtraient parmi les moissons, se poursuivaient dans le feuillage des arbres, puis allaient se poster à l’écart sur une branche pour se renvoyer mutuellement de délicieuses mélodies. Le long de la route, nous rencontrions des bandes de petits enfants chinois, coiffés d’un large chapeau de paille, et faisant brouter l’herbe des fossés par des chèvres, des ânes, d’énormes buffles, ou quelque maigre cheval ; on entendait de loin le gazouillement de ces marmots, on les voyait sauter et cabrioler sans se préoc-