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Il fut décidé que nous nous y arrêterions un jour ; il était bien juste que ce mandarin, après avoir passé plus de deux ans à Ly-tang, sur la route du Thibet, pût se délasser, au moins pendant une journée, au sein de sa famille. Le lendemain, il nous présenta avec un orgueil tout paternel ses deux enfants enveloppés dans une superbe et resplendissante toilette. Ces enfants avaient la figure si stupéfaite, si ébouriffée, il y avait tant de roideur dans leurs bras et dans leurs jambes que nous les soupçonnâmes d’être logés pour la première fois dans de si magnifiques habits. Nous appréciâmes beaucoup, du reste, la courtoisie de notre musulman. Nous distribuâmes des friandises et quelques bonnes paroles à ces deux petits génies, nous les caressâmes de notre mieux, nous les trouvâmes, enfin, gentils et spirituels au delà de toute expression, pendant que leur papa, souriant de l’un à l’autre, s’épanouissait d’aise et de bonheur. Il est fâcheux que nous ne puissions pas faire un éloge aussi pompeux de la cuisine du mandarin que de sa progéniture. Ce brave homme, s’imaginant, sans doute, qu’après avoir admiré et contemplé ses deux héritiers pendant deux heures nous n’avions plus rien à désirer en ce monde, s’avisa de nous servir un dîner détestable. Ce malheureux incident nous donna la conviction que nous avions affaire à un personnage qui ne se ferait pas faute de spéculer, en route, sur notre estomac, et comme il était évident pour nous que la famine et la mort se trouvaient au bout d’un pareil système, nous lui signifiâmes, en fronçant un peu les sourcils, que nous entendions vivre en Chine autrement que parmi les montagnes du Thibet. Les excuses ne man-