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battants ; les Mantchous sortirent tout d’un coup, firent pleuvoir d’abord une grêle de balles et de flèches sur cette multitude désarmée, et se précipitèrent ensuite dans la foule le sabre à la main. Ces téméraires assiégeants s’en retournèrent dans leurs quartiers, lestes et muets comme un troupeau de chèvres jaunes. Chacun rentra chez soi, en ayant soin de fermer solidement sa porte, et se promettant bien, sans doute, de ne pas recommencer le lendemain.

Une trentaine de Chinois restèrent étendus morts sur la place, et le nombre des blessés fut très-considérable. Les deux jours suivants, il n’y eut pas de nouvelle collision, tout le monde garda prudemment le logis. Cependant le sombre et lugubre aspect que présentait la ville, quand nous y entrâmes, dénotait que les esprits étaient encore en proie à une grande agitation, et que, sous ce calme apparent, couvaient peut-être des antipathies et des haines irréconciliables. Immédiatement après l’affaire meurtrière qui avait eu lieu à la porte du tribunal tartare, le kiang-kiun ou commandant militaire et le préfet de la ville avaient fait partir, chacun de son côté, des dépêches pour Péking, où les événements étaient sans doute représentés d’une manière bien différente. On attendait une décision de la capitale, et généralement on s’accordait à penser que les Chinois seraient blâmés, le général mantchou révoqué pour être envoyé, peut-être, dans un meilleur poste, et qu’ensuite les choses en resteraient là.

On conçoit que, dans une pareille circonstance, il eût été extrêmement facile aux Chinois de Kin-tcheou d’exterminer cette poignée de Mantchous. Il n’était besoin