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facile de distinguer le vigoureux et énergique barbare Thibétain du civilisé Chinois, à la face si blême et si rusée. De toute part on voyait des troupes de chèvres et de bœufs à long poil brouter les pâturages de la montagne, pendant que de nombreux oiseaux chantaient et folâtraient parmi les branches des arbres.

Nous passâmes la première nuit dans une hôtellerie bien modeste et très-mal approvisionnée. Cependant, comme les habitations que nous avions rencontrées dans le Thibet ne nous avaient donné aucune habitude de luxe, nous y trouvâmes tout à souhait. Les misères de tout genre que nous avions si longtemps endurées nous avaient merveilleusement disposés à trouver tolérables toutes les épreuves de la vie.

Le lendemain la route devint plus sauvage et plus périlleuse à mesure que nous avancions. La vallée se rétrécissait de plus en plus, et nous rencontrions fréquemment devant nous d’énormes rochers et de grands arbres tombés de la crête des montagnes. Bientôt le ruisseau, qui la veille n’avait cessé de nous accompagner comme un ami fidèle, s’éloigna de nous insensiblement, et finit par disparaître dans une gorge profonde. Un torrent, que nous entendions gronder depuis longtemps et par intervalles, avec un bruit sourd semblable aux lointains roulements du tonnerre, déboucha brusquement de derrière une montagne, et s’en alla tout furieux à travers les rochers. Nous le suivîmes longtemps dans sa course vagabonde. On le voyait descendre en bruyantes cascades le long du granit, ou, semblable à un gigantesque serpent, traîner ses eaux verdâtres dans de sombres enfoncements. Cette seconde journée de marche ne