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tron ne pouvait s’accoutumer à l’idée que toutes les jonques étaient parties et qu’il serait le seul à ne pouvoir franchir ce passage difficile. Il faisait à bord un horrible vacarme ; il maudissait les matelots, jurait contre les vents et les flots, contre le ciel et la terre ; il était furieux. A toute force il voulut se remettre en route, malgré l’extrême violence du vent. La jonque fut donc encore retirée de la côte et relancée avec rage contre le but infranchissable ; nous courûmes plusieurs bordées, et, pour la troisième fois, nous allâmes échouer sur le sable du rivage. Le patron, à bout de son énergie, épuisé, affaissé plutôt que résigné, renonça enfin à faire de nouvelles tentatives. La nuit, d’ailleurs, était sur le point de venir, et c’eût été le comble de la folie que de prétendre arriver à Kin-tcheou en luttant contre les vents et les flots. Au lieu donc de repousser la barque vers le lit du fleuve, on travailla à l’enfoncer plus avant dans les sables, afin de la soustraire à l’action des vagues, qui venaient se briser avec fureur contre ses flancs et menaçaient à chaque instant de la faire chavirer.

Quand cette opération fut terminée, on amarra la jonque aux arbres voisins, par le moyen de gros câbles de bambou ; les ancres furent solidement fixées à terre ; on prit, en un mot, toutes les mesures de prudence nécessaires afin de ne pas être emportés en cas de tempête. Ensuite chacun chercha à s’arranger de son mieux pour passer la nuit le moins mal possible ; car il ne fallait pas songer à trouver un logement à terre. Il n’y avait ni ville ni hameau aux environs de la plage où nous étions échoués ; on apercevait seulement çà et là,