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devait nous la faire reconnaître. Nous aperçûmes plusieurs jonques de commerce, aux larges voiles en natte, qui s’en allaient poussées par le vent et ballottées par les flots. Nos yeux eurent beau regarder de tous côtés, il nous fut impossible de découvrir notre cuisine. Il fallut se résigner sans se plaindre, car personne n’était en faute. On avait bien désigné un lieu où la jonque devait nous attendre ; mais la violence du vent ne lui avait pas, peut-être, permis de s’arrêter. Probablement, nous dîmes-nous, que nous avons vu s’embarquer ces nombreuses provisions avec un trop vif sentiment de satisfaction, et Dieu a permis ce contre-temps pour nous donner une leçon… Que son saint nom soit béni dans la disette comme dans l’abondance !

Nous descendîmes dans l’entre-pont, pour prêcher la résignation à notre état-major. Nous y fûmes suivis par le patron de la barque qui, voyant notre détresse, eut le bon cœur de nous offrir une ration du riz qui cuisait dans la grande marmite de l’équipage. Nous acceptâmes avec reconnaissance, et bientôt nous fûmes en train de dîner avec du riz cuit à l’eau et quelques herbes salées. Ce n’était pas très-succulent, nous en convenons ; mais certes, nous n’en avions pas toujours eu autant. Pendant que nous instrumentions dans le bol de riz à l’aide de nos deux petites baguettes, nous eûmes la sagesse de penser à cette époque où, parcourant les déserts de la Tartarie et les montagnes du Thibet, nous n’avions pour toute nourriture que quelques poignées de farine d’avoine, pétrie au thé ou assaisonnée d’un peu de suif. Dieu ! nous disions-nous, en regardant ce large plat, où s’élevait une grande pyramide de riz tout fumant, Dieu !