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très-peu guerrière. Pour nous, commodément enfoncés dans nos chers palanquins, nous étions rapidement emportés par quatre vigoureux Chinois parmi les rochers, les bourbiers et les excavations de la route. Bientôt nous laissâmes derrière nous les gens de l’escorte, incapables de lutter de vitesse avec nos agiles et intrépides porteurs. Après cinq lis[1] de marche, on s’arrêta. Les Chinois déposèrent les palanquins, et l’un d’eux nous invita à en sortir. Sa parole, pleine d’urbanité, fut accompagnée d’un petit sourire où paraissait se cacher un peu de mystère. Aussitôt que nous eûmes quitté nos waggons chinois, nous fûmes bien agréablement surpris de trouver, derrière une colline rocheuse, le lama Dchiam-dchang[2] avec sa petite troupe thibétaine. Ces braves gens étaient venus nous attendre sur notre passage, pour nous faire leurs derniers adieux à la manière de leur pays. Ils avaient préparé sur le gazon, à côté d’un massif de grands arbres, une collation composée de pâtisseries chinoises, d’une compote de jujubes et d’abricots de Ladak et d’une grande jarre de vin de riz. Nous nous assîmes à la ronde et nous fîmes, tous ensemble, une petite fête où un peu de joie se trouvait mêlée à beaucoup de tristesse. Nous étions heureux de nous trouver réunis encore une fois ; mais la pensée que nous allions bientôt nous séparer, et peut-être pour toujours, remplissait nos cœurs d’amertume. L’escorte, que nous avions laissée en arrière, nous atteignit, et il fallut se re-

  1. Le li chinois est un dixième de notre lieue.
  2. Chef de l’escorte thibétaine qui nous avait accompagnés depuis Lha-ssa jusqu’aux frontières de Chine. (Voir nos Souvenirs d’un voyage, t. II, p. 403.)