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nouveau costume que nous voulions adopter. Nous nous étions dit : Dans tous les pays du monde, et surtout en Chine, l’habit joue, parmi les hommes, un rôle très-important. Puisqu’il nous est nécessaire d’inspirer aux Chinois une crainte salutaire, il n’est pas indifférent de nous habiller d’une façon plutôt que d’une autre. Nous jetâmes donc de côté notre costume du Thibet, les chaussures bigarrées, l’effroyable casque en peau de loup et les longues tuniques en pelleterie qui exhalaient une forte odeur de bœuf ou de mouton. Un habile tailleur nous confectionna une belle robe bleu de ciel, d’après la mode la plus récente de Péking. Nous chaussâmes de magnifiques bottes en satin noir, illustrées de hautes semelles d’une éblouissante blancheur. Jusque-là les rites n’avaient pas d’objections à faire ; mais, quand on nous vit nous ceindre les reins d’une large ceinture rouge, puis couvrir notre tête rasée avec une calotte jaune enrichie de broderies, et du sommet de laquelle pendaient de longs épis de soie rouge, il y eut autour de nous un frémissement général, et l’émotion, comme un courant électrique, gagna subitement les mandarins civils et militaires de la ville. On nous cria de toute part que la ceinture rouge et le bonnet jaune étaient les attributs des membres de la famille impériale ; qu’ils étaient interdits au peuple, sous peine d’exil à perpétuité ; que le tribunal des rites était inflexible sur ce point ; qu’il fallait donc sur-le-champ réformer notre toilette et nous costumer selon les lois. Nous alléguâmes qu’étant étrangers, voyageant comme tels et par ordre de l’autorité, nous n’étions nullement tenus de nous conformer au rituel de l’empire ; que nous avions le