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nous. Cependant la route était encore longue, et on pouvait nous causer de terribles embarras. Il était bon de prendre garde, non pas, sans doute, en rapetissant son cœur à la façon chinoise, mais, au contraire, en l’élargissant. Nous nous levâmes donc en silence, et, après avoir revêtu nos habits d’étiquette, nous ouvrîmes brusquement la porte, et nous nous précipitâmes vers notre fougueux guerrier. — Nous voici, lui dîmes-nous, qu’on aille vite chercher des chaînes, puisque tu veux nous conduire ainsi à Canton, tu nous enchaîneras ; vite, qu’on aille chercher des chaînes… Notre subite apparition déconcerta les conspirateurs ; nous pressions vivement notre futur conducteur, et nous lui demandions des chaînes à grands cris. Il reculait d’un pas à chaque sommation que nous lui faisions. Enfin nous l’acculâmes à un angle de la salle, et le malheureux nous parut plus mort que vif. — Mais je ne comprends pas, dit-il en balbutiant, je ne comprends pas ce qui se passe. Qui voudrait vous enchaîner, qui en a le droit ? — Toi, sans doute, tu l’as dit tout à l’heure, nous t’avons entendu : voyons, enchaîne-nous donc, fais donc apporter des chaînes. — Je ne comprends pas, je ne comprends pas, répétait toujours le valeureux mandarin. Personne n’a prononcé cette parole ; comment pourrions-nous penser à vous enchaîner, nous qui sommes ici pour vous servir ?… Insensiblement tout le monde se mit à parler ; mais ce fut pour assurer, pour protester que ce que nous avions entendu n’avait pas été dit.

Nous n’en voulions pas davantage. Notre sortie ayant eu tout le succès désirable, nous rentrâmes dans notre chambre, bien convaincus qu’il n’y avait plus à se pré-