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bienveillance ; mais, en définitive, nous étions abandonnés, sans défense, à la merci des mandarins. Après avoir échappé aux mille dangers des contrées sauvages que nous venions de traverser, rien ne pouvait nous donner l’assurance que nous ne péririons pas de faim et de misère au sein de l’abondance et de la civilisation. Nous étions convaincus que notre sort dépendrait de l’attitude que nous saurions prendre dès le commencement.

Nous l’avons déjà fait observer ailleurs, les Chinois, et surtout leurs mandarins, sont forts avec les faibles et faibles avec les forts. Dominer et écraser ce qui les entoure, voilà leur but, et, pour y parvenir, ils savent trouver dans la finesse et l’élasticité de leur caractère des ressources inépuisables. Si on a le malheur de leur laisser prendre une fois le dessus, on est perdu sans ressources ; on est tout de suite opprimé, et bientôt victime. Quand, au contraire, on a pu réussir à les dominer eux-mêmes, on est sûr de les trouver dociles et malléables comme des enfants. Il est facile alors de les plier et de les façonner à volonté ; mais on doit bien se garder d’avoir avec eux un seul moment de faiblesse, il faut les tenir toujours avec une main de fer. Les mandarins chinois ressemblent beaucoup à leurs longs bambous ; une fois qu’on est parvenu à leur saisir la tête et à les courber, ils restent là ; pour peu qu’on lâche prise, ils se redressent à l’instant avec impétuosité. C’était donc une lutte que nous devions entreprendre, une lutte incessante et de tous les jours, depuis Ta-tsien-lou jusqu’à Canton. Il n’y avait pas de milieu, ou subir leur volonté, ou leur imposer la nôtre. Nous adoptâmes ré-