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médiatement entre les mains de la justice qui, tout au moins, le torture et le ruine complétement, si elle ne lui arrache pas la vie. La famille du suicidé obtient ordinairement, dans ces cas, des dédommagements et des indemnités considérables ; aussi il n’est pas rare de voir des malheureux, emportés par un atroce dévouement à leur famille, aller se donner stoïquement la mort chez des gens riches. En tuant son ennemi, le meurtrier expose, au contraire, ses propres parents et ses amis, les déshonore, les réduit à la misère, et se prive lui-même des honneurs funèbres, point capital pour un Chinois, et auquel il tient par-dessus tout ; il est à remarquer, en second lieu, que l’opinion publique, au lieu de flétrir le suicide, l’honore et le glorifie. On trouve de l’héroïsme et de la magnanimité dans la conduite d’un homme qui attente à ses jours avec intrépidité pour se venger d’un ennemi qu’il ne peut écraser autrement ; enfin on peut dire que les Chinois redoutent bien plus les souffrances que la mort. Ils font bon marché de la vie, pourvu qu’ils aient l’espérance de la perdre d’une manière brève et expéditive ; c’est peut-être cette considération qui a porté la justice chinoise à rendre le jugement des criminels plus affreux et plus terrible que le supplice même.

La Chine est le pays des contrastes ; tout ce qu’on y remarque est à l’opposé de ce qui se rencontre ailleurs. Chez les barbares, et même dans les pays civilisés, où les véritables notions de la justice n’ont pas suffisamment régénéré la conscience publique, on voit les riches, les forts, les puissants, faire trembler les faibles et les pauvres, les écraser, se jouer même de leur vie