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Pour dire vrai, il ne manquait à nos trois mandarins qu’une mémoire plus sûre et un peu d’habitude pour faire d’excellents comédiens ; il n’est pas de peuple au monde qui pousse aussi loin que les Chinois le goût et la passion des représentations théâtrales. Nous avons dit plus haut qu’ils étaient une nation de cuisiniers, nous serions tenté d’affirmer aussi que c’est un peuple de comédiens. Ces hommes ont l’esprit et le corps doués de tant de souplesse et d’élasticité, qu’ils peuvent se transformer à volonté, et exprimer tour à tour les passions les plus opposées ; il y a du singe dans leur nature, et, quand on a vécu quelque temps parmi eux, on est forcé de se demander comment on a pu se persuader en Europe que la Chine était comme une vaste académie remplie de sages et de philosophes ; leur gravité et leur sagesse, à part quelques circonstances officielles, ne se trouvent guère que dans leurs livres classiques. Le Céleste Empire ressemble bien mieux à une immense foire, où, parmi un flux et un reflux perpétuels de vendeurs, de brocanteurs, de flâneurs et de voleurs, on rencontre de tous côtés des tréteaux et des saltimbanques, des farceurs et des comédiens, travaillant sans interruption à amuser le public.

Sur toute la surface de l’empire, dans les dix-huit provinces, dans les villes de premier, de second et de troisième ordre, dans les bourgs et dans les villages, les riches, les pauvres, les mandarins et le peuple, tous les Chinois sans exception sont passionnés pour ces sortes de représentations. Il y a des théâtres partout ; les grandes villes en sont remplies, et les comédiens jouent nuit et jour. Il n’est pas de petit village qui n’ait aussi