Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en chœur la bénédiction. Nous ne remarquâmes pas que cet acte religieux excitait chez les païens le plus petit mouvement d’hostilité ou de raillerie. Ils gardaient un silence respectueux, ou se contentaient de dire : Voilà les chrétiens qui demandent aux maîtres de la religion de faire descendre du ciel la félicité.

Dans la dernière rue, avant de sortir de la ville, nous aperçûmes une longue rangée de femmes, qui paraissaient attendre, elles aussi, le passage des hommes à ceinture rouge et à bonnet jaune. Quand nos palanquins furent devant elles, après avoir chancelé quelques instants sur leurs petits pieds de chèvre, elles finirent par se mettre à genoux et par faire aussi le signe de la croix. C’étaient les femmes chrétiennes de Leang-chan qui, en cette circonstance, avaient jugé à propos de ne pas rapetisser leur cœur et de secouer au moins une fois la dure servitude que les préjugés chinois imposent à leur sexe. Les gens de notre escorte parurent un peu surpris de cette audacieuse manifestation ; nous n’entendîmes cependant aucune réflexion déplacée. Un satellite s’écria, en les voyant à genoux : Il y a des hommes chrétiens, c’est connu depuis longtemps ; mais il paraît qu’il y a aussi des femmes chrétiennes, c’est ce que je ne savais pas. Un autre lui répondit : Tout le monde est convaincu que tu ne sais pas grand’chose.

Enfin nous sortîmes de Leang-chan, ville de troisième ordre, qui tiendra toujours une place à part dans les nombreux souvenirs de nos longues pérégrinations. Nous avons oublié de dire, en quittant le palais communal, que nous n’avions plus au nombre de nos conducteurs le mandarin de Tchoung-king.