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ce qui s’y était passé nous paraissait fabuleux. Nous ne pouvions concevoir comment nous d’abord, puis les mandarins et le peuple, tout le monde s’était laissé aller à prendre au sérieux ce jugement si extraordinaire. Ce rôle de président, joué à l’improviste par un missionnaire français, dans une ville chinoise, en présence de magistrats chinois, et cela sans obstacle, le plus naturellement du monde… Deux étrangers, deux barbares, si l’on veut, maîtrisant pour un instant tous les vieux préjugés d’un peuple jaloux et dédaigneux à l’excès, au point de s’arroger impunément l’autorité de juge et de l’exercer officiellement… Tous ces faits prouvent combien le principe d’autorité est ordinairement respecté par ce peuple. Notre ceinture rouge était notre plus grand prestige ; on aimait à y voir, sans trop s’en rendre compte, comme une communication de la puissance impériale.

La crainte de se compromettre est, d’ailleurs, en Chine, un sentiment presque universel, et qu’on peut exploiter avec beaucoup de facilité. Chacun cherche d’abord à se mettre à l’abri, et puis advienne que pourra. Une certaine prudence, qu’il serait mieux, peut-être, d’appeler pusillanimité, est une des grandes qualités des Chinois. Ils ont une expression dont ils se servent à tout propos et qui caractérise très-bien ce sentiment. Au milieu des difficultés et des embarras, les Chinois se disent toujours siao-sin, c’est-à-dire rapetisse ton cœur. Ceux qui aiment à étudier le caractère des peuples dans leurs langues pourraient faire une curieuse comparaison entre la poltronnerie chinoise et la bravoure française. A l’approche d’un danger, pendant